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Etre femme et immigrée à l'époque de la construction navale à la Seyne-sur-Mer

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Transcription : Fille d'un chaudronnier des chantiers dès 1920

Collecteur : Prestataire exterieur
Langue : Français

Qualité du son : bonne


L'arrivée à La Seyne Écouter cette séquence

Interviewer : Voilà, vous êtes enregistrée. Donc, vous êtes venue à La Seyne à l’âge de 3 ans...
Madame : Vers 2 ans et demi. Mon père était déjà arrivé. Vous savez, il y avait Mussolini, en Italie, et on lui avait fait un papier de là où il travaillait (ville de Savona). La vie n’était pas agréable là-bas. Il y avait ma grand-mère qui s’était séparée de son mari. Elle était couturière en bas, elle me faisait les habits et même très bien. Après mon frère est venu, il a travaillé, puis il a voulu rentrer dans la marine. Mon père à ce moment-là s’est fait naturaliser.

Interviewer : Donc c’était en 1925...
Madame : Mon père a été naturalisé en 1927. Mon frère est resté quelques années dans la marine, cela lui a plu. Il s’est engagé. Il s’est marié à 30 ans. Il avait été blessé à un bras, il a été opéré plusieurs fois. Il avait une pension. C’était le bras gauche, il a arrêté car il ne pouvait plus rester dans la marine. Mais il avait toujours du travail pour la marine. Après, il a fait les colonies. Puis il draguait les ports de La Seyne, Tamaris, Toulon.

Interviewer : Votre père est arrivé à La Seyne en 1920.
Madame : A peu près, peut-être même avant. Moi j’étais restée avec ma mère. Il était venu voir si cela marcherait aux chantiers

Interviewer : Il était venu comment votre père ?
Madame : En train...


Le métier de chaudronnier Écouter cette séquence

Interviewer : Oui, comment a-t-il su qu’il y avait du travail à La Seyne, par de la famille, des amis ?
Madame : Exactement, je ne le sais pas, il avait dû le savoir, je sais que mon père en a fait venir d’Italie, des jeunes qu’il connaissait, puis il a fait venir ses frères.

Interviewer : Et lui qu’est-ce qu’il faisait en bas ?
Madame : Il était chaudronnier, il a toujours été chaudronnier, euh près de Vintimille.

Interviewer : Il travaillait déjà sur les bateaux et pour la construction navale ?
Madame : Je ne sais pas, mais il a toujours été chaudronnier. Lorsqu’il est venu ici avec le papier, les chantiers se sont aperçus qu’il avait de l’expérience et qu’il connaissait son travail. Il a travaillé jusqu’à 68 ans. Il était avec moi, je criais, car il devait prendre la retraite à 65 ans. Il a travaillé très dur, il nous a rien manqué. Il a gagné de l’argent, mais il a toujours travaillé très dur.

Interviewer : Cela veut dire que toute sa carrière, il a été chaudronnier ?
Madame : Après, il a été un peu chef. Il apprenait le travail aux jeunes qui arrivaient (des apprentis).
Même le dimanche, vous savez le train rentrait aux chantiers, on l’appelait pour réparer la locomotive.
Et quand les bateaux étaient finis, il partait avec pour les essayer. Il a été au Maroc et puis d’autres endroits que je me rappelle plus. Après quelques temps, il a été arrêté pour raisons médicales, opéré de l’estomac. Il avait toujours mal, mais après son opération, il mangeait peu, il avait un régime, mais il a toujours beaucoup travaillé.

Interviewer : Il gagnait beaucoup d’argent ?
Madame : Il gagnait bien sa vie.

Interviewer : Il était syndiqué ? Est-ce qu’il militait ?
Madame : Ça, je vais vous dire, syndiqué je ne sais pas. Par contre, il avait son frère Pierre, qui était riveur aux chantiers, puis son frère Louis, je ne sais pas ce qu’il faisait, eux militaient.

Interviewer : Ces frères sont venus d’Italie, qu’est-ce qu’ils faisaient en Italie ?
Madame : Ils travaillaient à la terre, parce que les parents avaient des grands champs. C’est ma grand-mère qui me racontait tout cela, les trois filles ont eu leur dote.

Interviewer : Parce qu’elle est venue votre grand-mère après ?
Madame : Oui, elle est venue après. Mon père était marié, mais ses frères étaient jeunes, donc, elle est arrivée, avec ses enfants (2 filles et 3 garçons), un des frères de mon père, Ambroise, était boulanger.
Les frères sont venus, donc un boulanger, un riveur, un chaudronnier et l’oncle Louis, je ne me souviens pas ……….
Oui, mon père était chaudronnier. Mon parrain, Pierre, était riveur. Mon oncle, Louis, je ne sais plus et mon oncle, Ambroise, boulanger.
Revenons à la grand-mère. Vous savez qu’en Italie on ne divorce pas. Elle a quitté son mari, non elle l’a mis dehors !!!! Elle était battue par son mari, donc elle l'a quitté. Anecdote, si nous voulions rire, on lui disait de raconter sa nuit de noces. A 15 ans mariée, avec un Visconti, riche semble t-il, personne travaillait, ça buvait !!!!!!!!! D’ailleurs elle avait encore la marque du coup que lui avait donné son violent mari. Alors, mon père a dit à son père "va t-en, je ne veux plus te voir, sinon je te tue !" A l’arrivée à La Seyne, on a toujours habité à côté et ma mère et ma grand-mère s’entraidaient mutuellement.

Interviewer : Donc, après, toute la famille s’est retrouvée, vous vous voyiez souvent ?
Madame : Oui, mais après tout le monde s’est marié et a eu sa vie de famille.
je me souviens du mariage de mon parrain avec des calèches, cela s’est passé à La Seyne. Ils sont passés à l’église, on était croyants, tout le monde allait à la messe.
J’allais aussi chez mes grands-parents maternels, qui avaient une ferme en Italie. On m’envoyait car je n’avais pas beaucoup d’appétit. S'il y avait mes enfants, ils diraient que je ne mange pas beaucoup, mais je mange à ma faim. Mais j’ai été fatiguée, on m’a fait des prises de sang, il me manquait du sucre, donc il faut que je sucre, alors que je n’aime pas ça.
Je ne suis pas une grosse mangeuse, je mange à ma faim, sans plus. Je n’avais presque plus de tension, alors que je suis suivie pour l’hypertension, comme mon fils, il a un peu de tension... tension basse.


Le logement dans le quartier Balaguier pendant la deuxième Guerre Mondiale Écouter cette séquence

Interviewer : Vous me parlez de vos 18 ans, vous viviez où, quand vous étiez enfant ?
Madame : Je vivais avec mes parents, mon frère, ma grand-mère à Balaguier. On avait une maison. Mes parents plantaient des légumes. On avait 2 puits, un au jardin et un autre sur la terrasse où il y avait une pompe, c’était des jardins potagers.

Interviewer : Ce qui veut dire qu’après leur travail, ils cultivaient ?
Madame : Oui, surtout pendant la guerre, où nous n’avions pas à manger. Je me souviens, j’avais 16 ou 17 ans, ma mère aussi s’occupait du jardin, elle arrosait, elle plantait. A côté de chez nous, il y avait une très belle maison, où il y avait des personnes âgées. Les allemands l’ont occupée et ils venaient prendre l’eau chez nous, car ils en avaient pas beaucoup.

Interviewer : Donc, vous n’avez pas beaucoup souffert de la faim, pendant la guerre ?
Madame : Non, avec les légumes du jardin et puis il y avait aussi un cousin qui avait un grand jardin à Toulon, où il y avait des poules. Mon frère, avec son vélo, allait chercher de quoi manger.
C’est sûr qu’avant l’arrivée et après le départ des allemands, ils ont beaucoup travaillé, pendant l’occupation, ils évitaient d’effectuer le travail pour les allemands, ils devaient faire des tanks pour les allemands, ils ne le faisaient pas.
Moi, je ne pouvais pas aller m’amuser, car ma mère ne voulait pas que je me salisse. Ma mère était brave, mais elle était maniaque, très sévère, plus que mon père. Il acceptait plus que j’aille m’amuser avec les autres enfants.

Interviewer : Lorsque vous étiez à Balaguier, vous aviez des voisins qui travaillaient aux chantiers ?
Madame : Oui, j’avais en face de chez moi des étrangers.
Je me souviens, il y avait des jeunes qui venaient à l’école F. Durand, avec moi. Et mon oncle, boulanger, a acheté une boulangerie au Brusc. Ma grand-mère est allée aider à la boulangerie. Mon oncle n’était pas marié. D’ailleurs, nous nous sommes mariés le même jour, mon oncle et moi (le 6 juin 1942). Je suis allée au Brusc, aider mon oncle et ma grand-mère, lui est resté quelques années, mais moi je suis partie.


Les lancements de bateaux Écouter cette séquence

Interviewer : Est-ce que vous avez assisté à des lancements de bateaux ?
Madame : Oui, j’ai assisté à plusieurs lancements, des gros bateaux et des plus petits. J’allais assister aux lancements des bateaux avec ma mère, mes tantes, mes cousines. Mon père nous donnait l’accès aux chantiers. On s’installait et puis mon père venait nous voir.

Interviewer : Vous avez des anecdotes concernant ces lancements ?
Madame : Les ouvriers fendaient les bois et taillaient les chaînes des bateaux. On voyait la marraine qui baptisait le bateau, puis retenait le bateau très fort, avant qu’on le lance. Puis une grande sirène sonnait. Il y avait de la musique, les gens applaudissaient. C’était très émouvant d’assister aux lancements. Puis le bateau restait à quai pour finir l’intérieur, puis ils partaient aux essais.


La rencontre du futur mari et le mariage Écouter cette séquence

Interviewer : Vous avez toujours habité à La Seyne ?
Madame : Oui, à La Seyne et au Brusc. Puis, quand je me suis mariée, mon mari était facteur, on est partis à Lyon.
J’ai connu mon mari, parce que je travaillais à La Seyne, à la mercerie du rond point des Sablettes. J’y ai travaillé 6 ans comme commise. J’étais au Brusc avec ma grand-mère et mon oncle, mais mon oncle était impossible. Mais mon père voulait que je reste, car il avait avancé à son frère de l’argent pour acheter sa boulangerie. Mon père travaillait et il gagnait pas mal d’argent. Puis un beau jour, j’en ai eu marre de mon oncle, toujours mécontent. Je lui ai demandé de me ramener à La Seyne.
Mon frère souhaitait aider mon oncle, mais son caractère difficile et emporté a empêché cette aide. IL aurait mis l’oncle dans le four. J’avais de la peine pour ma mère. Puis mon oncle s’est marié.

Interviewer : Ces italiens c’était des bons travailleurs, elle se trouvait où cette boulangerie ?
Madame : Cette boulangerie était au centre du Brusc, dans une rue perpendiculaire au port.
Ma grand-mère était une bonne couturière, elle dessinait ses patrons et elle cousait. Elle me faisait des toilettes très souvent, elle voulait que je sois toujours bien coiffée, bien habillée, en harmonie de couleurs. En Italie, ma grand-mère était couturière, elle faisait les robes de mariées. Après, mon oncle s’est marié. Il a laissé la boulangerie, il a travaillé pour un patron et puis j’ai travaillé à la mercerie.

Interviewer : C’est là que vous avez connu votre mari, il était le facteur du coin ?
Madame : Oui, c’est là que je l’ai connu. On s’est mariés pendant la guerre (1942), puis on est partis à Villeurbanne. J’avais tout juste 20 ans, il a fallu l’accord de mon père puisque la majorité, à l’époque, était à 21 ans.


Une famille politiquement à gauche Écouter cette séquence

Interviewer : Vous savez, on est en 2006, on commémore les 70 ans du front populaire. Vous vous souvenez de ça ?
Madame : Non, moi je ne m’en souviens pas. Par contre, mes oncles Louis et Pierre faisaient partie des communistes. Mon père non, il ne votait pas à droite. Entre ces frères, c’était toujours des disputes en ce temps là. Il y avait qu’une chose, mon père a toujours voté pour Toussaint Merle. Il a connu les parents de Toussaint. Mon père disait "ce maire, il est formidable. Il a fait quelque chose de bien pour La Seyne".

Interviewer : Vous parlez de votre père qui n’était pas d’accord avec ses frères. Pourquoi, parce qu’ils étaient communistes ? Et savez-vous si votre père parlait de Léon Blum ?
Madame : Mon père était socialiste (SFIO) et mes oncles communistes.
J’ai entendu parler de Léon Blum et nous avions un maire à Villeurbanne qui était socialiste, que mon père connaissait.

Interviewer : Vous avez assisté à des discussions entre eux ?
Madame : Quand on se retrouvait avec mes oncles, je disais à mon père "surtout, ne vous disputez pour la politique".
Alors mes oncles disaient "nous avons fait ça", mon père criait pas trop, mais mes oncles oui.

Interviewer : Vous vous souvenez des périodes de grève ?
Madame : Il en a eu fait, mais pas tellement. Je me souviens qu’on l’avait mis à instruire les jeunes et pendant les grèves, je me souviens être montée sur les épaules de mon frère pour lui passer le repas, alors que les grilles du chantier étaient fermées, on l’empêchait de sortir. Mon père faisait grève quand c’était pour eux, pour leur travail et, bien sûr, pendant la guerre. Mon père disait à ses frères "où vous étiez avant, avec Mussolini, vous parliez à plusieurs, on vous faisait partir", mon père est parti pour ça, à cause de Mussolini.

Interviewer : Votre père vous a expliqué pourquoi il est parti d’Italie, à cause de Mussolini ?
Madame : C’était dur. Il fallait que mon frère aille dans une école religieuse, ainsi qu’un de ses frères, ma grand-mère étant très catholique (frère curé), avec un des ses fils, mon père a été à Don Bosco en Italie.
Après avoir fait tomber un objet, la punition était de lui avoir brûlé sa main. Donc, il pouvait plus voir les curés, ni aller à l’église. Il était à cette époque un peu plus grand, il avait eu son certificat, il avait 15 ou 16 ans.


Le décès de la mère Écouter cette séquence

Interviewer : Est-ce que votre père a continué à aller à l’église ?
Madame : Oui, car ma grand-mère le souhaitait.
Il rentrait dans les églises pour certaines occasions (mariages, enterrements).
Et puis, je voyais mon père, le soir, faire le signe de la croix.
Et dire qu’il a voulu être enterré civilement, il ne voulait ni fleurs, ni curé pour ses obsèques.

Interviewer : Vous, vous êtes allée à l’école publique ?
Madame : Oui, j’allais au patronage, chez les sœurs, le jeudi et à l’école F. DURAND. J’ai passé mon certificat, puis après, je suis partie au Brusc.

Interviewer : Vos parents ne souhaitaient pas que vous continuiez après le certificat ?
Madame : Oui, mais moi je ne voulais plus. Ma grand-mère venait nous voir, elle souhaitait que j’aille aider à la boulangerie et, comme moi je ne voulais pas continuer, ma mère m’a dit "si tu vas plus à l’école, tu vas aller travailler".
Je suis restée quelques mois chez les sœurs à apprendre la couture et après je suis allée au Brusc, avec ma grand-mère et mon oncle. j’étais heureuse, je retrouvais ma grand-mère.

Interviewer : Et vous rentriez tous les soirs chez vous ?
Madame : Oui, il y avait un car, pendant la guerre, qui me ramenait à l’endroit où ma mère a été tuée, croisement de la Corse résistante, avenue Esprit Armando, supermarché Aldi, bar des moussièques. Moi, quand ma mère est morte, je n’y suis plus allée. J’étais mariée et j’habitais ici avec mon mari.
Je me souviens mon père a été averti de l’accident de ma mère. Il n’a pas voulu que l’on voie notre mère. Ce jour-là, mon frère devait aller manger, elle partait faire des courses à une épicerie qui n’était pas loin, elle devait faire un gâteau.

Interviewer : Votre mère avait quel âge ?
Madame : 52 ans et mon père 54 ans. Il travaillait toujours aux chantiers. Mon mari a hérité de cette maison de sa tante, mon père a redit a mon mari "surtout qu’elle vienne pas. Qu’elle garde un souvenir de sa mère telle qu’elle était avant".
Et pour mon frère cela a été pareil, mon père n’a pas voulu que l’on aille le chercher.

Interviewer : Donc, quand votre mère est morte, votre père est allé s’installer ?
Madame : Chez sa sœur, ma tante Antoinette, qui habitait près du cimetière à La Seyne. Il a vécu quelques années chez sa sœur.
Puis, nous sommes revenus de Lyon. J’ai eu mes petits. Je suis restée 2 ans sans enfants, je ne pouvais pas en avoir, j’avais une rétroversion de matrice. J’avais vu un spécialiste, un peu jeune, qui m’avait dit "vous n’aurez jamais d’enfants". Puis, après le décès de ma mère, j’ai été enceinte.
Ma mère, quelques mois avant son décès, avait fait une fausse couche au lavoir et c’était une fille. La sage-femme était venue.
Lorsque j’ai été enceinte, après le décès de ma mère, elle m’a dit que c’était la douleur de la mort de ma mère qui m'a permis d’être enceinte. Après avoir vu le docteur de famille, confirmation inattendue de la grossesse.
Au début, j’avais mal au cœur par le café que faisait la tante de mon mari.
Les parents de mon mari sont morts très jeunes, son père à 32 ans d’un cancer de l’estomac.
Et sa mère était tuberculeuse...


Au temps de la guerre Écouter cette séquence

Interviewer : Pour revenir sur vos oncles, eux étaient communistes et votre père socialiste, quand il y avait les grèves ils étaient très actifs ?
Madame : Oui, bien sûr. Surtout mon oncle Pierre. Louis, il avait beaucoup d’enfants. Joseph, il a travaillé dans les bureaux du chantier. Puis, un autre qui a travaillé et qui est mort jeune.

Interviewer : Est-ce que votre père vous parlait beaucoup de son travail ?
Madame : Il en parlait beaucoup avec ma mère et même avec mon frère lorsqu’il était là. Il y avait souvent des disputes entre mon père et mon frère. Quand mon père est parti à la guerre, mon frère n’était pas né. Quand il est revenu, il avait 2 ans. Mon frère disait à tout le monde "ma mère elle a couché avec un homme dans le lit". Et puis c’était son père, mais il ne le connaissait pas, il ne l’avait jamais vu.

Interviewer : Il est parti pendant combien de temps à la guerre, votre père ?
Madame : Oh quelques années (!!!). C’était en Italie, mais il se battait avec les français.
Pour les enfants de Louis, Joseph était mort jeune, mais Jeannot était menuisier aux chantiers. Il est mort relativement jeune. Il avait fait sa maison, je ne sais plus où, célibataire, il finissait les bateaux en menuiserie à l’intérieur.

Interviewer : Lorsque vous travailliez à la mercerie, vous rencontriez des gens, qu’est-ce qu’ils racontaient ?
Madame : Vous savez, c’était la guerre. Comme on servait les allemands, la patronne avait un fenestron où elle voyait arriver les clients. Selon qui arrivait, elle ne voulait pas que je serve. Oui, les gens parlaient principalement de la guerre, des bombardements, le chantier oui. Tous criaient et parlaient parce que l’on faisait des trucs pour les allemands.
Mon fils aussi y a travaillé aux chantiers. Quand cela a fermé il était contremaître. Mais il a trouvé de suite du travail. Il a touché de l’argent du chantier. Il est parti sur Marseille, a acheté un appartement sur Aix, et les enfants ont fait leurs études à l’université d’Aix-Marseille, ma petite-fille est intelligente, elle a passé un concours, elle a une bonne place à Paris.


Une famille de travailleurs Écouter cette séquence

Interviewer : Comment se fait-il que votre fils soit rentré aux chantiers, alors que son père était facteur ?
Madame : Mon fils voulait travailler aux chantiers. Après le collège Cisson, il a fait les Arpettes à St Mandrier. Il a abandonné, puis a fait l’école d’apprentissage des chantiers au collège. Il avait un professeur qui le traitait de sale corse. Je me demande comment je ne lui ai pas cassé la figure. Je me suis rendue au collège, car j’avais un mot sur le carnet et j’ai demandé pourquoi il le traitait de sale corse, soyez correct, c’est parce qu’il répondait jamais !!!!!! Mon fils aussi est un travailleur. Il est à la retraite, mais il n’arrête pas chez lui.

Interviewer : Vous êtes une famille de travailleurs alors. Vous aussi avez toujours travaillé, la boulangerie, la mercerie, l’usine.
Madame : Oui, j’ai travaillé à l’usine de filature de soie à Villeurbanne pendant 2 ans. Comme je n’avais pas d’enfants, on dit ça, mais cela n’est pas de la soie. Je travaillais une semaine de 5h à 14h et l’autre semaine de 14h à 21h. Le samedi, on nettoyait les machines, c’était pas trop dur. Au début, un peu plus, il fallait prendre l’habitude. Il y avait un copain (un autre facteur) de mon mari, P. IMBERT, qui avait un appartement près de chez nous à Villeurbanne, (rue Paul Verlaine), moi j’étais très étonnée du gratte-ciel qu'il y avait près de chez nous.


Le sabordage de la flotte à Toulon en 1942 Écouter cette séquence

Madame : C’était le jour du sabordage de la flotte à Toulon, c'était ce jour-là que je devais prendre le train. Mais je l'ai pris que le lendemain.

Interviewer : Vous l’avez connu don,c le sabordage de la flotte ?
Madame : Pardi, mon père, qu’est-ce qu’il a pu pleurer. Ils se tiraient tous dessus. Il y avait 2 bateaux qui étaient partis. Mon frère était à Mel Zel Kébir, il a été blessé pendant cette période, car la marine l’avait rappelé. C’est là qu’il a connu De Gaulle, il avait gardé dans un hôpital, pendant un mois. Mon père était descendu voir. Lorsqu’il est revenu, il pleurait. Ils auraient dû partir, mes enfants ils savent que mon frère m’a tellement parlé de De Gaulle. lui n’était pas communiste et mon père cela ne l’intéressait pas trop, il travaillait. Mon frère me disait qu’ils auraient dû partir. Mais ils avaient tellement de pression et que c’est un général français qui les a empêchés. S’ils étaient pas partis, la guerre on aurait pu la gagner avant. Quel dommage de voir tous ces beaux bateaux détruits, une vingtaine.

Interviewer : Alors, votre père est rentré aux chantiers et est allé voir ce qui passait ?
Madame : Oui, ils se tiraient les uns sur les autres, afin que les allemands ne puissent avoir les bateaux.
Il y a 2 sous-marins qui sont partis, mais un a coulé.
Mais, vous savez, quand les avions anglais bombardaient, au rond-point, tout tremblait.

Interviewer : Vous vous souvenez des bombardements ?
Madame : Oh là oui. Là où il y a mon fils, il y avait un puits avec un lavoir. Nous sommes allés nous cacher là, quand les américains bombardaient. Nous étions avec des voisins, on avait très peur. Moi j’étais enceinte de mon fils.
Après nous avons été évacués. J’ai été réfugiée, je ne me rappelle plus, c’était dans la Drôme le village, je ne me souviens pas. Ma tante était partie avec tous ses enfants.

Interviewer : Combien de temps y êtes vous restés ?
Madame : Quelques mois, puisque j’ai accouché ici à La Seyne, c’était en 1944, puisque mon fils est né en août 44, il est né un dimanche (pas août mais octobre). Avec moi il y avait ma tante, ses enfants et ma marraine. Mon mari est resté seul et a rejoint ma tante et mon père qui vivaient ensemble près du cimetière.

- On va s’arrêter là Madame pour aujourd’hui.


Le permis de conduire Écouter cette séquence

[...] Je conduisais, je savais conduire. Alors, j’ai dis à mon mari « On va acheter une voiture ».
Il n’aimait pas trop lui, ça ne l’enchantait pas tellement. Il se servait de la moto. Il s’en servait pour son travail, il était facteur chef.
Quand je lui ai dit que j’allais apprendre à conduire, ça ne lui a pas plu. Alors il m’a dit « J’y vais le premier ». Alors je l’ai laissé faire et il y est allé. Il a passé le permis. Il l’a eu la deuxième fois.
Moi j’y suis allée ensuite, une fois que lui a eu fini (sa fille avait alors 18 ans) et je l’ai eu du premier coup.
Comme je vous l’ai dit, je savais déjà conduire. J’avais 14 ou 15 ans et je conduisais déjà la voiture. Mon frère, qui en avait une, me laissait aussi conduire.
Je me suis arrêtée de conduire lorsque je me suis cassé le col du fémur. Mon mari était mort. C’est le docteur qui m’a dit d’arrêter, j’avais 70 ans. Je suis allée faire ma rééducation pendant un mois, ensuite je suis repartie aux Sablettes.


Aide à domicile Écouter cette séquence

Interviewer : Vous avez travaillé toute votre vie ? Après la guerre, vous avez été à Villeurbanne et quand vous êtes revenue à La Seyne, vous avez travaillé ?
Madame : Oui, j’ai travaillé à Villeurbanne pendant la guerre et quand je suis revenue, j’attendais mon petit.

Interviewer :[...] Pour en revenir à vous, madame, vous veniez de Villeurbanne, vous attendiez vos enfants et vous les gardiez ?
Madame : Oui, j’ai élevé mes enfants jusqu’à ce que mon fils aille à l’école à Toulon et ma fille allait à La Seyne et s’est mariée l’année du bac, quand elle attendait son petit.
Là, j’ai un peu commencé à travailler parce que Michelle a fait la connaissance d’une institutrice qui attendait un bébé et se demandait où elle pouvait la faire garder, alors je me suis proposée, j’y suis restée pendant 18 ans. J’ai élevé la petite et après il m’ont gardée pour entretenir la propriété. Il y avait 6 logements et un camping que la famille louait. (La famille s’appelait les Boulons). Ensuite, j’allais garder la grand-mère, qui est morte à 90 ans.


Femme de ménage aux chantiers Écouter cette séquence

Interviewer : Vous m’avez aussi dit que vous aviez travaillé un an aux chantiers.
Madame : Oui, pendant un an. J’y ai fait des ménages. J’ai travaillé après la guerre. Mes enfants étaient grands. Ils avaient 15 et 17 ans, c’était dans les années 60-65.
J’allais à la direction du personnel. Il y avait une dame qui était la femme du boulanger, la femme de mon oncle du Brusc.
Le personnel travaillait l’été, le matin tôt jusqu’à 13h et après on allait faire le ménage.
L’été j’y allais l’après-midi et quelques fois le matin à 5h.
Je faisais les ménages à la Rotonde, dans les bureaux et dans les endroits où ils faisaient les maquettes. Je regardais ces maquettes c’était beau, mais c’est tombé tout ça, ils auraient pu le garder.
Il y avait le bureau et un endroit où plusieurs ouvriers travaillaient sur des machines.
Je travaillais deux heures par jour pour nettoyer.
On nettoyait aussi les douches dans lesquelles les ouvriers se lavaient. Ces douches étaient dans un bâtiment à côté, au premier étage. Le rez-de-chaussée était toujours fermé. Il y avait de belles fenêtre ça devait être le bureau du directeur.

Interviewer : Vous n’aviez pas de contact avec les gens qui travaillaient là ?
Madame : Non, on ne les voyait pas.

Interviewer : Et quand vous travailliez l’après-midi ?
Madame : L’après-midi, il y avait les gardiens. Ils gardaient le chantier. Il y en avait deux ou trois que je connaissais. La dame qui nous commandait m’avait présentée à eux. Elle leur disait que j’allais être là pendant un peu moins d'un an, que je remplaçais Madame Visconti. Alors ils m’ont touché la main, etc....
Au début, il y en a un ou deux qui venaient me voir et me demandaient si tout allait bien. Je leur disais « Non merci, c’est gentil ». Et ils me disaient « Si vous avez besoin de quelque chose, on est à tel endroit ».
On les voyait se promener dehors. L’été, ils étaient deux ou trois à garder.

Interviewer : y avait-il des gens qui habitaient à l’intérieur des chantiers ?
Madame : Je ne crois pas, je ne sais pas. Peut-être à l’entrée, mais pas que je sache.

Interviewer : Vous étiez plusieurs à faire le ménage ?
Madame : Oh, là ! Il y en avait des femmes de ménage. Le chantier était grand, on était au moins une quinzaine.
Il y en avait qui travaillaient dur et qui faisaient plus d’heures.

Interviewer : Vous n’avez pas de noms ?
Madame : Non, je n’y suis pas assez restée. Je faisais un remplacement pour faire plaisir à Dolorès qui s’était fait opérer des yeux. On m’a proposé de rester. J’aurais bien voulu, mais c’est mon mari qui n’était pas d’accord. Mon père nous a donné de l’argent dont on s’est servi pour la maison.


Le travail des femmes de la famille Écouter cette séquence

Interviewer : Votre père était donc plus évolué que votre mari, à ce niveau-là ?
Madame : Mon mari disait « Chez nous, les femmes ne travaillaient pas ». Et je disais « Toi, ton père il a été dans les colonies ». Pour mon mari, il ne fallait pas que je travaille. Tandis que dans ma famille, les femmes étaient habituées à travailler. Ma grand-mère était couturière et ma mère avait du travail occasionnellement dans un restaurant, pour aider et mon père ne disait rien, ça les arrangeait et ça faisait plaisir à ma mère.

Interviewer : Donc, dans votre famille, toutes les femmes ont travaillé ?
Madame : Oui, mais mon mari ça ne lui disait pas trop. Comme je disais à Michelle, j’aurais aimé travailler davantage.
A un moment, j’ai connu quelqu’un pour vendre sur le marché et mon mari m’a dit que j’étais folle, car j’allais devoir me lever tôt, etc.…
Mon père me disait « Vas-y, si tu en as besoin mais regarde la tête qu’il fait ».

Interviewer : C’était par besoin, ou vous aimiez aller travailler ?
Madame : C’est-à-dire que mon mari travaillait, donc il gagnait. Mais j’ai toujours travaillé, alors j’aurais aimé continuer.

Interviewer : Ça vous apportait quoi de travailler, en dehors de l’argent ?
Madame : C’est-à-dire que le petit m’a donné beaucoup de peine et que l’argent n’était pas de trop.
J’ai été enceinte après la mort de ma mère. J’ai accouché à la clinique de La Seyne. Le docteur Barbaroux est venu à la clinique. J’ai commencé à avoir des douleurs samedi et j’ai accouché lundi. (Elle raconte son accouchement). J’ai le journal comme quoi c’était le premier né de la clinique du chantier, après la guerre. Il est né en 1944 et Michelle en 1945. C’était le premier parce qu’il y avait des choses de démolies, il manquait des choses.

Interviewer : Donc, il est revenu à La Seyne et vous dites que quelqu’un l’a fait rentrer aux chantiers.
Qui l’a fait rentrer ?
Madame : C’était un gardien que je voyais au marché avec sa femme et on discutait. Mon fils a travaillé sur les bateaux. Au début, il a fait l’école des apprentis aux chantiers et il a eu son diplôme et il est sorti contre-maître. Après, il a trouvé facilement du travail, à Marseille, dans un genre de chantier aussi, où il était également contre-maître. Ensuite, il est allé dans un autre chantier. Il n’a fait que des chantiers, dont 4 ans à Saint-Nazaire comme chef de travaux. C’était juste avant sa retraite. Je suis allée le voir là-bas.

Interviewer : Sa femme le suivait ?
Madame : Oui, elle était avec lui. Mais de temps en temps elle revenait chez elle.

Interviewer : On va revenir à Caroline, votre mère. Parlez-moi de votre mère.
Madame : Elle est morte à 52 ans. Elle était travailleuse et maniaque. Elle travaillait sans arrêt. Elle est née en Italie.

Interviewer : Quand est-elle arrivée ici ?
Madame : Elle est venue avec mon père qui venait pour travailler, j’avais 3 ans. Mon père jouait de l’accordéon dans les bals et elle l’a connu comme ça.


La guerre 39-45, les italiens en France, l'Italie Écouter cette séquence

Interviewer : Vos frères ont fait quoi pendant la guerre de 39-45 ?
Madame : Mon frère est parti tout de suite dans la marine, il a été blessé. Le frère de mon père est allé aussi faire la guerre, mais il trouvait les conditions difficiles.

Interviewer : Est-ce que vous savez s’il y a des italiens qui ont été inquiétés, ici, en France ?
Madame : Je ne sais pas, mais ici il y avait une famille chez qui les chemises noires venaient, mais on ne savait pas pourquoi.
Les allemands ont fait plus de mal, mais étaient plus corrects.
Quand on est partis en voyage de noces avec mon mari, on a pas pu aller là où l’on allait d’habitude, donc on est allés là où il a fait son service. Mon mari aimait les belles choses on est allés dans un bel hôtel. On est arrivés et il y avait des soldats, des chemises noires, les pieds sur la table. On a pris une chambre. Je suis allée aux toilettes et il y en a un qui m’a coincée dans les toilettes. Il s’est reçu une baffe parce que je lui ai répondu en italien. Je suis allée voir mon mari, je lui ai dit « On s’en va ! ». On est partis de suite. Le gérant de l’hôtel a compris. Il s’est reçu la baffe, il voulait m’embrasser et bien il a été embrassé. Je n’ai pas trop crié, j’ai rien dit. Mon mari était en colère et voulait lui mettre un coup de poing et je lui ai dit de ne rien faire, il avait déjà eu parce que moi je lui avais parlé en italien.

Interviewer : Vos parents parlaient en italien ?
Madame : Ils se parlaient entre eux, ils parlaient français. Quand on est arrivés, ils parlaient en piémontais. Je savais parler italien. Peut-être moins, mais j’ai toujours su le parler parce qu’on y est retournés en Italie.
Mon père disait que l’on était en France, alors il fallait parler français. Alors, il lisait le journal. Il parlait bien le français. Il a appris comme ça, il s’est débrouillé. Il l’écrivait, il le lisait. C’est pareil pour ses frères.
Mon frère est allé un peu à l’école ici, jusqu’au moment où il est rentré dans la marine. Il avait son certificat de l’Italie qu’il a eu à 11 ans chez les religieuses et c’est pareil pour mon oncle. Donc, ils parlaient bien le français, mon père des fois me lisait le journal.

Interviewer : Il avait gardé un accent ?
Madame : Oui, mais pas tellement. Ma mère l’avait plus gardé.

Interviewer : Elle parlait aussi bien français ? Elle le lisait aussi ?
Madame : Elle le parlait, elle le lisait mais quand même moins que mon père. Mais, des fois, elle me demandait quand elle lisait le journal, tandis que mon père non. Mon père c’était bien, tout comme ses frères.

Interviewer : Ils retournaient régulièrement en Italie ?
Madame : Pendant la guerre, il n’en était plus question. Mais après la guerre, on y retournait, j’y ai amené mes enfants. Ils savent où je suis née.

Interviewer : Votre père y est retourné aussi ?
Madame : Mon père est retourné une fois ou deux avec le mari de sa sœur et sa sœur. Ils y sont allés une fois parce que ça ne l’emballait pas tellement.
Mais moi, c’est les enfants qui m’ont demandé que je leur montre et puis il y avait là-bas une sœur de ma mère encore en Italie, c’était la dernière à y être.


Marie-Louise Visconti Écouter cette séquence

Interviewer : Vous m’avez parlé de Marie-Louise.
Madame : Marie-Louise c’était la femme de mon parrain. C’était une vraie communiste. Elle travaillait, elle faisait des ménages. C’était la femme de mon parrain, du frère de mon père. Mon parrain s’appelait Pierre.

Interviewer : Revenons-en à Marie-Louise, vous ne m’en parlez pas.
Madame : Marie-Louise était un peu pénible. On se chopait souvent toutes les deux. (Elle raconte une anecdote).
Elle s’appelait Marie-Louise Visconti et elle était au parti communiste de La Seyne, avec son mari qui est mon oncle, Pierre Visconti. Je me rappelle qu’une fois on s’était disputées, mais que quand on s’est revues, on s’est embrassées.
Mon frère a fait connaissance de De Gaulle. Il a trouvé cet homme formidable. C’était quand son bateau a sauté.

Interviewer : Donc, Marie-Louise était femme de ménage ?
Madame : Mon oncle Louis était marié avec une sœur de Marie-Louise. Elles avaient une marâtre, leur père s’était remarié et elles ont souffert.


Fière de travailler aux chantiers Écouter cette séquence

Interviewer : Vous m’avez dit que votre père était fière de travailler aux chantiers.
Madame : Oui, il était content, il s’est toujours plu aux chantiers.

Interviewer : Pourquoi ?
Madame : Je ne sais pas. Il était fier, il le disait. Il disait qu’il s’était trouvé une bonne place.
Il était bien vu au marché. Quand je voyais l’oncle d’Alain qui le commandait, il m’en a dit que du bien.
On venait même le chercher le dimanche en cas de panne. Il était chaudronnier, il était mécanicien, tout marchait à la vapeur à ce moment-là et il dépannait le train parce que le train rentrait aux chantiers à ce moment-là. Donc on venait la chercher en voiture et on l’amenait aux chantiers dès qu’il y avait une panne.

Interviewer :Le maire actuel dit que tous les ouvriers des chantiers étaient misérables.
Madame : Non. Mon fils était enchanté du chantier.
Avec le directeur de l’époque, ils étaient augmentés sans le demander. Ils gagnaient bien leur vie. Ce directeur s’est tué en voiture, c’était Marcel Berd.

Interviewer : Votre fils est plus jeune, mais votre père alors ?
Madame : Mon fils a toujours été enchanté et mon oncle Pierre pareil et Louis aussi.

Interviewer : Mais des gens disent que les ouvriers étaient des misérables, c’est les propos de certaines personnalités.
Madame : Ce n’est pas vrai. Mon parrain était très content et Louis aussi.

Interviewer : Et vous me disiez « On vivait bien ».
Madame : Bien sûr, ma mère a un peu aidé mais ce n’est pas ce qu’elle amenait qui faisait la différence.
Mon père avait de l’argent de côté. Il gagnait bien sa vie parce qu’il faisait des heures supplémentaires et qu’il a travaillé la nuit.
Quand il partait pour les essais des bateaux, il partait et il y allait volontiers. Il faut travailler c’est sûr.
Mon fils a travaillé en plus aux chantiers pour payer sa maison et il était content d’être aux chantiers, pourtant il était plus jeune. Il a travaillé peut-être moins quand il est passé cadre, mais il n’est pas passé cadre tout de suite, peut-être 2 ou 3 ans après.

Interviewer : Votre père a toujours été ouvrier ?
Madame : Vers la fin, on lui a donné un grade, peut-être 1 an ou 2 avant la retraite.

Interviewer : Vous avez des photos là ?
Madame : De mon père ?
Interviewer : Oui.